Transition agroécologique en élevage laitier

Transition agroécologique en élevage laitier : Les agriculteurs s’engagent pour des pratiques respectant la biodiversité tout en garantissant la performance économique de leurs exploitations

Le BTPL et La Coopération Laitière se sont réunis le 5 juillet 2022, à Paris, pour livrer leurs réflexions. « Au BTPL, nous sommes convaincus que l’agriculture régénératrice est un atout pour la filière laitière, d’une part parce qu’une partie des pratiques des éleveurs sont déjà les pratiques préconisées par cette méthode, d’autre part parce que l’agriculture régénératrice agglomère et apporte une réponse aux enjeux du plan de filière (réduction du carbone, bien-être animal, performances économiques, biodiversité…). » Jérôme Huet, directeur du BTPL.
Pour Pascal Le Brun, Président de La Coopération Laitière, « L’agriculture de demain est celle que nous construisons aujourd’hui. Les objectifs de demain sont donc les défis d’aujourd’hui :

  • Comment produire en préservant les ressources naturelles ?
  • Comment répondre aux attentes toujours plus fortes de la société et des marchés ?
  • Comment mieux accompagner les producteurs dans leurs métiers ?
  • Et quel cap choisir ?
    La filière laitière est ambitieuse et engagée. Elle affiche des objectifs dans son plan de filière et sa démarche de responsabilité sociétale qui vise notamment sur la partie amont à :
  • Réduire de 20 % l’empreinte carbone à l’amont d’ici 2025
  • A auditer 100 % des fermes en Bien-être animal d’ici 2025
  • A veiller à la performance économique et sociale des acteurs de la filière
    D’autre enjeux nous animent en matière de soja déforestant, d’alimentation animale sans OGM ou encore de biodiversité. »

Table ronde 1 – Les réponses de l’élevage laitier aux enjeux de la biodiversité ordinaire

Vincent Manneville (service environnement de l’Institut de l’élevage) nous rappelle que la biodiversité concerne l’ensemble des êtres vivants ainsi que les écosystèmes dans lesquels ils vivent. Elle est essentielle à notre agriculture.
Le sol est un écosystème qui régule et contrôle de nombreux processus écologiques : fertilité chimique des sols, qualité de l’eau… Ce sont les micro-organismes des sols qui jouent ce rôle de régulateur. Nourrir son sol pour nourrir ces microorganismes est donc essentiel à la biodiversité. L’élevage par son apport de matière organique et par l’utilisation de prairies temporaires dans les rotations joue un rôle indispensable dans ce processus.

Table ronde 2 – L’agriculture régénératrice : définition et principes

Selon Guillaume Tant, agronome au sein du réseau CER France, « Nous mettons toutes sortes de choses derrière le terme agriculture régénératrice, mais qui ne sont pas toujours justes. L’agriculture de régénération pour un agriculteur, c’est comment par ses pratiques, il peut, à l’échelle de son exploitation, limiter le changement climatique, et contribuer à régénérer notre environnement. »
Le but de l’agriculture régénératrice est d’améliorer la fertilité du sol en augmentant la matière organique, la structure et l’activité biologique du sol. Par conséquent, les pratiques d’agriculture régénératrice vont améliorer le stockage du carbone, favoriser la biodiversité, réduire le recours aux engrais minéraux… ; c’est à dire répondre aux enjeux environnementaux actuels de notre agriculture.

Plusieurs principes régissent l’agriculture de régénération :

  1. Limiter le travail du sol, ce qui ne veut pas dire ne rien faire, mais réduire son impact sur la structure du sol au maximum
  2. Diversifier les cultures, pour augmenter le volume de racines dans le sol. Ce sont ces racines qui contribuent à bien structurer le sol et qui permettent la remontée des nutriments vers la surface
  3. Conserver un sol toujours couvert, pour améliorer l’activité biologique, réduire la température du sol, réduire l’évaporation de l’eau du sol en limitant l’albédo
  4. Conserver des racines vivantes toute l’année, pour éviter la compaction des sols et conserver une bonne structure du sol (à l’instar de la ferraille dans un béton armé)
  5. Intégrer l’élevage dans la rotation : idéalement avoir du pâturage dans la rotation, ou à défaut des apports de matières organiques. La vie biologique de la panse d’un ruminant est la continuité de la vie biologique du sol pour dégrader la matière. Pour avoir des sols qui
    fonctionnent bien, il faut des animaux dessus.

Ces principes apportent des réponses concrètes aux enjeux de la filière laitière : réduction des émissions de carbone, amélioration de la biodiversité, pâturage et bien-être animal…
Le BTPL et Guillaume Tant sont associés pour suivre un groupe pilote d’éleveurs déployant l’agriculture régénératrice dans les Hauts-de-France. Le but est d’étudier comment étendre à un grand nombre d’éleveurs les principes de l’agriculture régénératrice et de mesurer les impacts économiques et techniques de ces pratiques.

Témoignages – Quatre coopératives donnent un éclairage de leur stratégie agroécologique

Le rôle du BTPL est d’apporter aux coopératives une partie des éléments de réflexion utiles pour définir leur propre projet amont. Il accompagne la mise en œuvre de ces stratégies en apportant conseils et formations auprès des éleveurs et techniciens.


« La Prospérité Fermière a engagé sa démarche RSE « VIA LACTA » il y a quelques années, construites en concertation avec des ONG. Au démarrage, il n’était pas question d’agriculture régénératrice, mais lorsqu’un de nos clients nous a interpellé sur le sujet, les points de convergence avec notre démarche RSE nous ont semblé évident, notamment parce que de nouveaux enjeux sont intégrés, tels que la biodiversité. Aussi nous avons engagé avec l’aide du BTPL un groupe pilote sur 5 ans d’une dizaine d’éleveurs qui vont s’inscrire dans une démarche d’agriculture régénératrice pour étudier la faisabilité et les impacts économiques. L’enjeu pour nous est de savoir s’il est pertinent d’envisager une conversion à grande échelle des éleveurs coopérateurs. Force est de constater que d’autres acteurs régionaux s’intéressent au sujet de l’agriculture régénératrice. »
Patrick Meunier, directeur du projet coopératif


« La finalité du projet SOLS VIVANTS, monté en partenariat avec Nestlé et d’autres majors de l’agro-alimentaire, est d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2035. Toute cette démarche repose sur le développement de l’agriculture régénératrice auprès des agriculteurs, avec un marqueur fort : il faut que cette démarche s’accompagne de création de valeur ajoutée pour les producteurs. Nous avons donc créé une filière blé issue de
l’agriculture régénératrice avec une valorisation économique spécifique de manière à être incitatif et ne pas rester dans le discours de bonnes intentions ».
Nathalie TERNOIS, directrice marketing, innovation et communication


« Nous venons de présenter à nos adhérents notre PLAN CLIMAT 2035, nous en sommes donc au démarrage. Notre ambition est de diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre sur notre périmètre opérationnel (énergies, transport, emballages et déchets) et de réduire de 35 % notre empreinte carbone totale (avec l’amont) par la réduction des émissions directes et indirectes et par la séquestration additionnelle de carbone, sur
l’ensemble de notre périmètre, sur lequel la coopérative a une responsabilité partagée. Pour atteindre ces objectifs, nous avons choisi l’échéance de 2035 pour que tous ceux qui sont aujourd’hui acteurs de la coopérative s’engagent pleinement dans ce projet. Parce qu’elle est le seul secteur capable de stocker du carbone, l’agriculture est une grande partie de la solution. Pour autant, notre PLAN CLIMAT va plus loin qu’une simple stratégie carbone : il vise la réduction de notre empreinte carbone mais aussi l’adaptation de nos activités face au changement climatique ».
Mickael LAMY, agriculteur, administrateur, président de la commission RSE


« Le projet d’agriculture écologiquement intensive, qui a pour but de produire plus avec moins d’intrants, est le fruit d’une réflexion de terrain portée par les administrateurs et les adhérents. Cette réflexion a eu pour objectif d’adopter une agriculture qui soit en accord avec les attentes des consommateurs et acceptable par les producteurs. Il a abouti à la marque « La Nouvelle Agriculture ». Ce n’est pas une réponse à une demande d’un client, mais un cheminement interne que tous les acteurs de la coopératives (adhérents, salariés) se sont appropriées. Il en est de même pour « Passion du lait » avec Laïta : une démarche qui ne crée pas de nouvelles contraintes pour les éleveurs, tout en répondant aux exigences du marché au bon moment, et ainsi valoriser au mieux la production des adhérents. Ce projet doit également contribuer à améliorer la performance économique au niveau des exploitations. « Passion du lait » sera une réussite quand les éleveurs se seront approprié la démarche, qu’ils s’y retrouveront et s’y épanouiront Le changement doit être gagnant-gagnant, d’une part pour l’agriculteur qui y trouve un intérêt économique et d’autre part pour le commercial qui va réussir à vendre au client le changement comme une meilleure pratique. »
Christophe Miault, agriculteur, administrateur Terrena et Laïta (filiale laitière des coopératives Even, Terrena et Eureden)


De manière collégiale, les intervenants de la table ronde ajoutent que face à la guerre en Ukraine, ces projets ont encore plus de sens qu’auparavant. D’autant plus que l’augmentation du coût des intrants rend plus urgent la mise en place des pratiques plus écologiques et donc plus économes.
Ces démarches ne doivent pas s’imposer aux éleveurs, mais les inciter et créer une émulation autour d’elles. Il faut qu’elles soient source de création de valeur et de fierté pour les agriculteurs sans créer de nouvelles contraintes.
En élevage et notamment en production laitière, on fait les choses « bien » mais il faut en apporter la preuve. Les quatre témoignages ont permis d’illustrer que les coopératives et les associés coopérateurs sont prêts à relever les défis environnementaux et contribuer à la lutte contre les conséquences du réchauffement climatique tout en restant dans une approche économiquement viable.


Jean-Michel Javelle, président du BTPL, conclut « mettre au centre de nos préoccupations l’épanouissement de l’Homme, la réussite économique et la maîtrise technique, c’est l’essence même du BTPL. Défendre les intérêts des coopératives qui sont soumises à des contraintes législatives et réglementaires françaises, européennes voire internationales, c’est le rôle de La Coopération Laitière. Les missions du BTPL et de La Coopération Laitière sont complémentaires pour la réussite de notre modèle coopératif. Ensemble, nous relèverons les défis au service des producteurs de lait, de nos entreprises coopératives laitières et des consommateurs »